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Le pays du Tseu

Quelques réflexions sur les origines du « Tseu »

9 Janvier 2015 , Rédigé par Eric Condette Publié dans #Cardzîre

Quelques réflexions sur les origines du « Tseu »

Tout le monde convient que les parlers du Brionnais-Charolais, ainsi que ceux du Haut-Mâconnais, du Roannais, du Haut-beaujolais et du Mâconnais proprement dit, même si ce dernier ne fait pas (ou plus) partie de l'aire du "tseu", font la transition entre les dialectes du Lyonnais-Forez d'une part et ceux du Morvan et de la Bourgogne d'autre part (voir la carte en illustration.)

On peut alors se demander si les parlers du "Tseu" sont des parlers de langue d’oïl ayant subi l’influence du francoprovençal tout proche, ou bien s'il sagit de parlers francoprovençaux "dégradés", "attenués" ou "francisés"; le français, la langue dominante, ayant au fil des siècles amené ces patois à abandonner certains traits de leur morphologie francoprovençale pour s’aligner sur le "beau parler" venu du nord de la Loire.

Les linguistes qui se sont penchés sur cette question ont donné l'impression d'être assez divisés.

Certains expliquent que c’est le francoprovençal qui a influencé les parlers de la zone de transition, tout en reconnaissant qu’il existe des limites dialectales à l'intérieur de l'aire du "Tseu".

Cette thèse suggèrerait-elle que des patois parlés par des villageois autrefois le plus souvent illettrés, (patois qui n'étaient que les restes d'une "langue" lyonnaise ou forezienne quasiment dépourvue de littérature, sans assise juridique, ni pouvoir central sur lequel s'appuyer,) auraient ainsi pu imprimer leur marque sur un dialecte de langue d'oïl, c'est à dire de la langue du pouvoir royal, de l’argent, et du prestige d’une société policée?

D’autres, spécialistes des parlers du sud de la Bourgogne, de la région lyonnaise, et plus généralement du francoprovençal, ont envisagé qu’ une partie au moins du domaine du "Tseu" était d’origine francoprovençale.

Les arguments qui s'appuient sur des documents de nature administrative ou réglementaire de l’époque bourguignonne, ne sont pas vraiment probants. Et la langue parlée par les populations rurales du Charolais-Brionnais dans les siècles passés n’ayant laissé aucune trace écrite (hormis quelques indices épars dans les cadastres anciens), il parait bien difficile d’arriver à une conclusion ferme et définitive.

Un début d’explication, ou du moins de compréhension de cette question se trouve peut-être chez nos proches voisins du Mâconnais.

Certes, le Mâconnais ne fait pas partie du "Pays du Tseu". Mais il n’en n’a peut-être pas toujours été ainsi. Dans sa thèse sur les patois de Saône-et-Loire, Gérard Taverdet a relevé quelques "reliques toponymiques" des prononciations TS et DZ dans le Mâconnais. (Notons au passage que TS et DZ existent encore dans le canton de la Chapelle de Guinchay au sud de Mâcon.) Ce linguiste a aussi remarqué que les prononciations TS et DZ avaient disparu à l'ouest et au nord de la Bourbince, n'ayant pas résisté a l'industrialisation du bassin minier. Tout ceci suggère que l'aire de TS et DZ était sans doute plus vaste autrefois qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Mais la question ne se résume pas aux articulations TS et DZ qui, bien qu’étant avérées dans plusieurs dialectes de la France du Sud, ne suffisent pas à elles-seules à catégoriser un patois comme francoprovençal. Surtout si notre région (un peu élargie) constitue, selon notre ami le linguiste Mario Rossi, un cas particulier à l'intérieur du domaine d’oïl.

Le seul trait linguistique qui permette de conclure de manière indiscutable qu’un parler est francoprovençal, est la présence de finales atones, généralement en a ou o, ou quelques fois (dans les dialectes les plus conservateurs) en i au féminin.

Aujourd’hui, seule la Bresse au sud de la Seille correspond peu ou prou à cette définition en Saône-et-Loire (cf. la petite histoire rapportée sur ce blog par mon compère du Haut-Mâconnais, Michel Lapalus : La pompa di Père Malin.)

A l'heure actuelle, les patois du Mâconnais ne possèdent pas davantage ce trait francoprovençal (les voyelles finales atones) que les parlers du Haut-Mâconnais, Charolais ou Brionnais.

Toutefois, les lexiques de ces différentes régions, y compris le Mâconnais proprement dit, présentent de très nombreuses similitudes. Quant à la syntaxe, la principale différence concerne l'imparfait du verbe être qui donne « ère » en Mâconnais en lieu et place d’ « éto » en Charolais-Brionnais.

Il n’en demeure pas moins que nous savons que le Mâconnais était autrefois une terre de langue francoprovençale. Il ne serait pas possible aujourd'hui de l'affirmer sans la bonne idée qu'a eu en son temps l’abbé Lhuilier, originaire de Fuissé et curé de ce même village. Celui-ci a soigneusement recueilli une collection de Noëls Mâconnais qu’il a publiés en 1720. Ces textes recèlent sans aucun doute possible des caractéristiques qui suffisent à les inclure dans la définition du francoprovençal. Ce témoignage d'une langue parlée jadis dans le Mâconnais, dont l’édition originale a malheureusement disparu, est néanmoins arrivé jusqu’à nous grâce à François Feurtiault qui en 1858 a publié dans un même ouvrage les Noëls Bourguignons de Bernard de La Monnoye (1641-1728) suivis des Noëls Mâconnais de Lhuilier. Cet ouvrage, bien que n’étant pas introuvable, n’est pas toujours aisé à consulter. Voici un lien qui permettra aux plus curieux d’en prendre connaissance :

https://archive.org/stream/lesnoelsbourguig00lamo#page/212/mode/2up

Quelle conclusion en tirer ? Simplement que si les patois mâconnais du début du 18ème siècle étaient encore francoprovençaux, (bien que déjà en voie de francisation), rien ne peut alors exclure qu’il en allait peut-être de même pour leurs voisins immédiats du Haut-Mâconnais et au moins d'une partie du Charolais-Brionnais.

Quelques indices semblent aller dans ce sens lorsqu'on se penche sur les plus anciens cadastres à notre disposition.

A suivre

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L
Dz'en r'prendro bin enco dous-tras potsons de ste bon-ne sope linguistique. Epi y é toudze bon à sava d'o qu'nos v'nan. A la quainzaine que vin...
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