Le patois de chez moi...Haut Maconnais
1 Nos arrières grands parents étaient bilingues ! Vous avez dit bilingues !!
Le patois n’est pas une langue,ce n'est que du français déformé, écorché..... Une phrase inexacte qui à force d’être répétée a fini par entrer dans les têtes, encouragée par l’école et la société. “Il faut extirper le patois” disait l’abbé Grégoire à la Convention (1794) et un siècle plus tard, Jules Ferry ne faisait guère mieux en imposant le français à des paysans et artisans supposés ignares. Tout çà, avec les meilleures intentions du monde ! Le premier combattait l’esclavage des noirs et pensait qu’il fallait libérer les patoisants (sous entendu esclaves de leur patois ). Le second voulait lui aussi des cerveaux débarrassés des patois pour mieux accéder à toutes les connaissances. (sous entendu, ils étaient ignorants de tout).
Apprendre le français aurait pu se faire d’une autre manière. Enseigner les grammaires des patois et du français, chercher ressemblances et différences, un vrai partage des savoirs aurait été possible.C'était sans doute trop demander à un état très centralisé. Le tracteur et la télé ont achevé notre patois. Ce n'est pas de leur faute ; tracteur, télé et patois auraient pu faire bon ménage. Actuellement, il semble qu'internet n'interdit pas le patois.....Profitons-en ! Ne riez pas, la France n'a pas encore ratifié la Charte Européenne des langues régionales.
Pendant deux ou trois générations, nos arrière-grands-parents sont donc devenus bilingues. Le patois à la maison et au village, le français à l’extérieur. Une situation qui aurait pu durer, un peu comme pour le breton, l’alsacien, le basque, l’occitan, le corse.... Dans ces régions, grâce sans doute à une identité culturelle plus forte, on s’est soucié de l’écriture beaucoup plus tôt. Mais dans le sud de la Saône et Loire et des alentours , les écrits du patois sont rares. Raison de plus pour tenter d'écrire notre patois, seule manière d'assurer sa sauvegarde.
Comme le français, il vient en grande partie du latin, mais avec des influences gauloise, burgonde et franque.
Pour en savoir beaucoup plus :
Le dictionnaire étymologique des parlers brionnais de Mario Rossi
Les noms de lieux du Brionnais-Charolais de Mario Rossi
Les patois de la Saône et Loire de Gérard Taverdet
Le dictionnaire historique du Charolais-Brionnais de Norbert Guinot
Prequa don qu’la langue de dans le temps, al s’ro pas eune vraie langue ?
Pourquoi la langue d'hier ne serait-elle pas une vraie langue ?
Le blog "Ecrire le patois, une langue comme les autres" redémarre cet été. Apprendre ou réapprendre le patois et l'écrire, il faut bien en passer par là pour assurer sa sauvegarde. Nos arrières grands parents savaient beaucoup de choses qui pourraient bientôt nous être utiles.
2 Un investissement raisonnable
Apprendre à parler et à écrire notre patois est à la fois facile et difficile. Facile parce qu'il est relativement proche de la langue française. Difficile car il faut se mettre dans la tête que notre patois a lui aussi ses expressions, ses tournures de phrases,, sa conjugaison, son vocabulaire. En un mot, sa grammaire.....comme toutes les langues !
Pour se faire une idée d'une grammaire oubliée depuis l'école, la meilleure façon est encore d'acheter une grammaire de la langue française. Mais une grammaire simple avec des mots simples bien présentée chapitre par chapitre. Evitez surtout les grammaires récentes remplies de mots compliqués. Cherchez plutôt une grammaire d'occasion des années 1960 ? J'ai trouvé la mienne à un vide grenier pour un Euro !! Elle est presque parfaite....
Bien sûr, la grammaire française n'a pas à être copiée ; elle est là simplement au titre de méthode et de piste à suivre. Pour ne rien oublier et pour mesurer les différences entre patois et français.
Pour commencer, il faut avoir en tête quelques mots et expressions, soit par souvenir, soit par recherche. C'est sans doute la meilleure façon de partir à la découverte de la grammaire de notre patois.
Ran que quéques mots, ran que dous-tras phrases....Y é pâ bié maulaizi...
Rien que quelques mots, rien que deux ou trois phrases... Ce n'est pas très difficile..
4 Les signes de ponctuation
1 - L'apostrophe est utilisée en patois pour rester au plus près de la langue parlée et signifier les voyelles muettes (celles qui ne se prononcent pas).
v'ni don d'min sâ venez demain soir
le ts'min le chemin
le ts'vau le cheval
l'atson la hache
la r'vire la rivière
Peut-être ne faut-il pas exagérer l'emploi de l'apostrophe ou écrire alors la revire. A chacun de choisir.
2 - Le tiret indique la liaison entre deux syllabes du même mot pour faciliter la prononciation
la traub-ye la table
le peup-ye le peuplier
dze traîn-ne je traîne
st'an-née cette année
Bien sûr, le tiret n'est pas à employer trop souvent (voir le sous-chapitre suivant 4)
3 - L'accent circonflexe marque une voyelle appuyée
la târre la terre
le tsâgne le chêne
4 - L'accent aigu ou grave est toujours noté, même devant la consonne double
la batèsse l'abreuvoir
la grouèsse la poule couveuse
L'accent grave est utilisée sur les voyelles appuyées
le bòyau le boyau (prononcer le bo-yau, l'accent évite le tiret mais laissons les débutants démarrer avec le tiret s'ils le souhaitent).
5 - Le e ou le eu, le eu ou le êu ?
dze dreme ou dze dreume je dors
ô bresse ou ô breusse il bêche
le pàyis du tseu ou le pàyis du tseû
6 - Les liaisons
nos an (se prononce nos z/an) nous avons
Comme dans le français, la liaison se fait en parlant entre pronom et verbe. Mais c'est loin d'être de même avec le verbe et le complément :
y é un biau dzardinc'est un beau jardin (se prononce en français : c'est t/un) (si on garde l'orthographe française pour le verbe être, inévitablement les nouveaux patoisants feront la liaison entre verbe et complément, y est t/un biau dzardin …. ce qui n'existe pas dans la prononciation du patois).
ôl allo à la fouère il allait à la foire (se prononce sans liaison au contraire du français, ce qui oblige à supprimer la lettre t à la fin du verbe allo)
Les signes de ponctuation utilisées dans l'écriture sont évidemment variables selon la prononciation, c'est à dire d'une petite région à l'autre ou d'un village à l'autre. A chacun de s'adapter selon son parler.
5 Consonnes et syllabes
1 - Deux consonnes nouvelles (faut-il les appeler consonnes?) apparaissent dans le paysage linguistique : le ts et le dz. Elles n'existent pas dans la langue française. Elles remplacent le ch et les j, ge , gi
la vache blanche la vatse biantse
je mange dze mandze
Le ts et le dz ont beaucoup d'importance dans noton patois, en particulier dans la conjugaison (voir la suite)
2 - Les syllabes bl, cl, fl, gl, pl
le papier blanc le papi bian
la ville de Cluny la ville de Chieuni
le vent a soufflé le vent a souchyi
l'églantier l'àyanci
la planche la piantse
le lit le yé ( même le l en début de mot devient i ou y)
Pour se rappeler des 5 syllabes ainsi que du tse et du dze, une phrase mémoire n'est pas de trop :
Le vent avait tant soufflé que le clocher blanc de l'église était tombé sur la place du village
Le vent avo tant souchyi qu'le chiotsi bian de l'éyise avo tsé su la pièce du v'ladze
3- Entre consonne et voyelle, le y est un drôle d'animal, bien caractéristique de notre patois. Il est à la fois :
pronom : çà va aujourd'hui ? y va ti aujourd'hui ?
c'est demain que nous partons y é d'main qu'nos partan
complément : il n'y comprend rien ôl y comprend ran
remplace la lettre l dans les syllabes bl, cl, fl, pl quand elle est suivie d'un i et complètement pour la syllabe gl (voir paragraphe 2)
oublier eubyi
planche piantse ou pyintse (selon la prononciation locale)
églantier ayanci
Jean-Claude Jean-Glaude(français régional) Dzan-Yaude
6 Voyelles et suffixes
1 - Le suffixe al devient au
le cheval le tsevau
le maréchal-ferrant le marétsau
2 - Le suffixe eau devient iau ou éille
un seau d'eau un siau d'iau ou eune seuille d'éille (selon la région)
mon chapeau mon tsapiau
3 - Les suffixes eu, eur et euse deviennent ou et ouse
la queue du chat la quoue du tsa
le menteur le mentou
la menteuse la mentouse
4 - Les suffixes ier et ière deviennent i, ire ou ère
mon poirier mon pouéri
la barrière la barrire ou la barrère (selon la région)
5 - Les suffixes oir et oire deviennent ou, a, ère et ouère
le saloir le salou
il fait noir ce soir i fâ na su sâ
la vache noire la vatse nère
rien à boire ran à bouère
6 - Les suffixes en ien, ienne, ine deviennent in et eune
le chien le tsin
la chienne la tseune
je viens dze vin
Matourine Matoreune
7 Quelques règles
1 - L'article devant les prénons et les noms
Marie la Maria
Benoît le B'nât
Antoine le Touâne
La famille Dupont les Dupont
2 - L'interrogation : le ti, très caractéristique de noton patois (comme le tse et le dze) bonjour, comment çà va ? bondzo, y va ti?
vas-tu à la foire demain ? te va ti à la fouère demin ?
pourrons-nous venir ce soir ? nos porran ti v'ni su sâ ?
3 - La négation , avec toujours la disparition du ne
je n'ai pas mangé dz'é pas mandzi
ils n'ont pas vendu leurs cochons i an pas vendu leus cotsons
4 - Le redoublement du sujet, lui aussi bien caractéristique de notre patois
notre prunier a séché noton peurni, ôl a setsi
Jean a acheté un âne noir le Dzan, ôl a atseté eune borrique nére
5 - Le masculin-féminin : quasiman identique au français, sauf quelques mots
une vipére un v'pire
un serpent eune sarpent
une horloge un r'lodze
6 - Le singulier pluriel
Dans la langue française, le s est la marque du pluriel, mais avec de nombreuses exceptions : un chou, des choux.... un cheval, des chevaux....Mais sommes-nous obligés d'imiter les exceptions françaises ? Rien ne nous y oblige ! Il serait bon d'adopter la lettre s comme seule marque du pluriel. Un peu d'autonomie ne fait de mal à personne !
les poires les pouères
les choux les tsous
les chevaux les ts'vaus
les vieux les vious
les peureux les pourous
Ce n'est ni chambardement, ni cataclysme. Juste le moyen d'avoir une écriture simple et facile, indispensable à tous ceux et celles qui voudront bien se lancer dans la sauvegarde du patois. Mais tout le monde n'est pas d'accord avec cette proposition.
1 - Le pronom neutre on est remplacé par le nos qui est employé à la fois comme 1ère personne du pluriel et comme 3ème personne du singulier
si nous voulons, nous pouvons si nos volan, nos pòyan
si on veut, on peut si nos vou, nos pou
2 - Tous les verbes du 1er groupe ayant leur dernière syllabe en ts, dz, s, ss, z, y, ill et ch, j se terminent en i aussi bien à l'infinitif qu'au participe passé.
il voulait marcher, il a marché ô volo martsi, ôl a martsi
il voulait manger, il a mangé ô volo mandzi, ôl a mandzi
tu pouvais le laisser, tu l'a laissé te pòyo le laissi, te l'a laissi
veux-tu oublier ? tu as oublié te vou ti eubyi ? t'a eubyi
il allait travailler, il a travaillé ôl allo travailli, ôl a travailli
3 - Les verbes du 1er groupe se terminent en i (martsi) et en é (tsanté) dans leur participe passé ; martsi ayant infinitif et participe passé avec la même terminaison, il paraît logique d'appliquer la même orthographe à l'infinitif et participe passé de tsanté
il avait chanté ôl avo tsanté
il voulait chanter ô volo tsanté
4 - Le participe passé est invariable
les photos que vous avez prises les photos que vos avi pri
les chansons ont été chantées les tsansons an été tsanté
5 - Le passé simple est inconnu dans noton patois. Il est remplacé par le plus-que-parfait.
ils travaillèrent jusqu'à la nuit i avin travailli tant qu'à la né
il parla tout l'après-midi ôl avo causé tot le tantôt
6 - La terminaison des 1ère et 3ème personnes du pluriel est identique dans tous les temps
nous mangeons, ils mangent nos mandzan, i mandzan (présent)
nous chantions, ils chantaient nos tsantin, i tsantin (imparfait)
nous dormirons, ils dormiront nos dreumeran, i dreumeran (futur)
nous marchions, ils marcheraient nos martserin, i martserin (conditionnel présent)
nous avons couru, ils ont couru nos an corri, i an corri (plus-que parfait)
que nous marchions, qu'ils marchent qu'nos martsin, qu'i martsin (subjonctif présent)
7 - Le participe passé du verbe être est en même tant celui du verbe aller
je suis allé au marché dz'é été u martsi
il est allé chercher son chien ôl a été qu'ri son tsin
elles sont allées au bourg i an été u borg
Remarque : le participe passé été (comme tous les participes passés) est invariable
8 - L'emploi fréquent du verbe aller pour remplacer le futur
ils partiront demain i van parti demain
nous viendront ce soir nos van v'ni su sâ
tu mangeras bientôt des prunes te va dachtôt mandzi des peurnes
9 - Le verbe auxiliaire avoir plus fréquent que l'auxiliaire être
ils sont montés au grenier i an monté u greni
il est tombé par terre ôl a tsé tant qu'à bas
il est mort ce matin ôl a meûrri stu matin
9 Petites différences internes dans les patois
Avant d'aller plus loin dans la liste des pronoms, des adjectifs, des mots de liaison, des verbes, il serait bien de tordre le cou à cette idée qu'il existe des milliers de patois.
Tout le monde sait bien qu'il existe des différences de prononciation et même de mots entre cantons, communes, voire hameaux. Mais cela ne gêne en rien la compréhension entre patoisants et patoisantes sur le champ de foire ou pour les fêtes de villages. Il serait bon de récapituler toutes ces différences. Cela demande la participation des patoisants. Les quelques exemples qui suivent ne sont qu'un aperçu... A suivre....si l'intéret pour le patois grandit.....
haut maconnais charolais brionnais
ils disent i dian i djan i djan
le diable le diab-ye le djabe le djabe
une fricassée eune frecassie eune feurcachie eune feurcachie
c'est pour moi y é pre ma y é peur ma y é peur ma
On pourrait même séparer en plusieurs petites régions, toutes situées dans la zone de transition entre francoprovençal et langue d'oïl : charolais nord, charolais sud, clunisois, haut maconnais, brionnais est, brionnais ouest, haut beaujolais nord, roannais nord. Chacun pourrait dire les différences entre patois, en participant par l'apport de mots, d'expressions, de textes...
La suite de "J'apprends le patois", les paragraphes de 10 à 22,sont présentés en tableaux. Impossible en copier-coller. La solution est donc le fichier PDF qui reprendra tous les paragraphes de 1 à 22.