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Le pays du Tseu

Le patois de chez moi...Haut Maconnais

Rédigé par michel lapalus Publié dans #Pages

Le patois de chez moi...Haut Maconnais

1 Nos arrières grands parents étaient bilingues ! Vous avez dit bilingues !!

Le patois n’est pas une langue,ce n'est que du français déformé, écorché..... Une phrase inexacte qui à force d’être répétée a fini par entrer dans les têtes, encouragée par l’école et la société. “Il faut extirper le patois” disait l’abbé Grégoire à la Convention (1794) et un siècle plus tard, Jules Ferry ne faisait guère mieux en imposant le français à des paysans et artisans supposés ignares. Tout çà, avec les meilleures intentions du monde ! Le premier combattait l’esclavage des noirs et pensait qu’il fallait libérer les patoisants (sous entendu esclaves de leur patois ). Le second voulait lui aussi des cerveaux débarrassés des patois pour mieux accéder à toutes les connaissances. (sous entendu, ils étaient ignorants de tout).

Apprendre le français aurait pu se faire d’une autre manière. Enseigner les grammaires des patois et du français, chercher ressemblances et différences, un vrai partage des savoirs aurait été possible.C'était sans doute trop demander à un état très centralisé. Le tracteur et la télé ont achevé notre patois. Ce n'est pas de leur faute ; tracteur, télé et patois auraient pu faire bon ménage. Actuellement, il semble qu'internet n'interdit pas le patois.....Profitons-en ! Ne riez pas, la France n'a pas encore ratifié la Charte Européenne des langues régionales.

Pendant deux ou trois générations, nos arrière-grands-parents sont donc devenus bilingues. Le patois à la maison et au village, le français à l’extérieur. Une situation qui aurait pu durer, un peu comme pour le breton, l’alsacien, le basque, l’occitan, le corse.... Dans ces régions, grâce sans doute à une identité culturelle plus forte, on s’est soucié de l’écriture beaucoup plus tôt. Mais dans le sud de la Saône et Loire et des alentours , les écrits du patois sont rares. Raison de plus pour tenter d'écrire notre patois, seule manière d'assurer sa sauvegarde.

Comme le français, il vient en grande partie du latin, mais avec des influences gauloise, burgonde et franque.

Pour en savoir beaucoup plus :

Le dictionnaire étymologique des parlers brionnais de Mario Rossi

Les noms de lieux du Brionnais-Charolais de Mario Rossi

Les patois de la Saône et Loire de Gérard Taverdet

Le dictionnaire historique du Charolais-Brionnais de Norbert Guinot

Prequa don qu’la langue de dans le temps, al s’ro pas eune vraie langue ?

Pourquoi la langue d'hier ne serait-elle pas une vraie langue ?

Le blog "Ecrire le patois, une langue comme les autres" redémarre cet été. Apprendre ou réapprendre le patois et l'écrire, il faut bien en passer par là pour assurer sa sauvegarde. Nos arrières grands parents savaient beaucoup de choses qui pourraient bientôt nous être utiles.

2 Un investissement raisonnable

Apprendre à parler et à écrire notre patois est à la fois facile et difficile. Facile parce qu'il est relativement proche de la langue française. Difficile car il faut se mettre dans la tête que notre patois a lui aussi ses expressions, ses tournures de phrases,, sa conjugaison, son vocabulaire. En un mot, sa grammaire.....comme toutes les langues !

Pour se faire une idée d'une grammaire oubliée depuis l'école, la meilleure façon est encore d'acheter une grammaire de la langue française. Mais une grammaire simple avec des mots simples bien présentée chapitre par chapitre. Evitez surtout les grammaires récentes remplies de mots compliqués. Cherchez plutôt une grammaire d'occasion des années 1960 ? J'ai trouvé la mienne à un vide grenier pour un Euro !! Elle est presque parfaite....

Bien sûr, la grammaire française n'a pas à être copiée ; elle est là simplement au titre de méthode et de piste à suivre. Pour ne rien oublier et pour mesurer les différences entre patois et français.

Pour commencer, il faut avoir en tête quelques mots et expressions, soit par souvenir, soit par recherche. C'est sans doute la meilleure façon de partir à la découverte de la grammaire de notre patois.

Ran que quéques mots, ran que dous-tras phrases....Y é pâ bié maulaizi...

Rien que quelques mots, rien que deux ou trois phrases... Ce n'est pas très difficile..

 

 

 

 

 

3  Quelques mots pour commencer                                                                                                                                                                                                                                                    

Pas de langues sans règles, pas de langues sans grammaire, nous dit Mario Rossi dans son Dictionnaire des parlers brionnais. Pe enrailli (pour commencer), voici quelques mots pour entrer dans le monde du patois ,ce patrimoine invisible qu'il nous faut à tout prix sauvegarder. Il s'agit là de mots plutôt du Haut-Maconnais, mais rien ne vous empêche de les remplacer par des mots à vous, des mots de vos souvenirs ou des mots découverts par hasard.

 

la vatse biantse la vache blanche

les treufes les pommes de terre

le troqui le maïs

 

dze mandze, dz'é mandzi je mange, j'ai mangé

bondzo ! y va ti ? bonjour ! ça va ?

ô va li dère il lui dira (il va lui dire)

 

si nos vou, nos pou si on veut, on peut

quouâ don qu'te tsome ? où habites-tu ?

tseufe le vouâ appelles-le donc

 

te m'cogni don que t'me cauze ! tu me connais donc que tu me parles

le Touâne torno, sa feune agueuzo, pi tot de min-me y copo Antoine tournait (la meule), sa femme aiguisait et tout de même çà (l'outil) coupait

 

Derrière ces mots et phrases se cachent la grammaire de notre patois. La catégorie « J'apprends le patois de chez moi » est une mise à jour des catégories « Caractéristiques, Grammaire et Conjugaison ». La durée en sera sans doute de plusieurs mois, mais qu'importe :  y sarve à ran de corri d'rri l'vent (il ne sert à rien de courir derrière le vent)

Le territoire de noton (notre) patois s'étend sur le Charolais, le Brionnais, le Haut Maconnais, le Haut Beaujolais (en partie). Mais tout çà, avec des frontières plus ou moins élastiques. Le patois se moque bien des frontières administratives ! Il faudra aussi noter les petites différences entre cantons et communes, entre le nord et le sud, entre l'est et l'ouest. Heureusement, il s'agit souvent de prononciation que parfois, il faut quand même faire apparaître dans l'écriture.

Il ne s'agit là que de quelques règles permettant de démarrer l'écriture du patois avec une orthographe assez simple. Ce n'est pas vraiment une grammaire. Je ne suis pas linguiste. Chacun son métier !

 

 4  Les signes de ponctuation

 

 

1 - L'apostrophe est utilisée en patois pour rester au plus près de la langue parlée et signifier les voyelles muettes (celles qui ne se prononcent pas).

v'ni don d'min sâ venez demain soir

le ts'min le chemin

le ts'vau le cheval

l'atson la hache

la r'vire la rivière

Peut-être ne faut-il pas exagérer l'emploi de l'apostrophe ou écrire alors la revire. A chacun de choisir.

 

2 - Le tiret indique la liaison entre deux syllabes du même mot pour faciliter la prononciation

la traub-ye  la table

le peup-ye le peuplier

dze traîn-ne je traîne

st'an-née cette année

Bien sûr, le tiret n'est pas à employer trop souvent (voir le sous-chapitre suivant 4)

 

3 - L'accent circonflexe marque une voyelle appuyée

la târre la terre

le tsâgne le chêne

 

4 - L'accent aigu ou grave est toujours noté, même devant la consonne double

la batèsse l'abreuvoir

la grouèsse la poule couveuse

L'accent grave est utilisée sur les voyelles appuyées

le bòyau le boyau (prononcer le bo-yau, l'accent évite le tiret mais laissons les débutants démarrer avec le tiret s'ils le souhaitent).

 

5 - Le e ou le eu, le eu ou le êu ?

dze dreme ou dze dreume je dors

ô bresse ou ô breusse il bêche

le pàyis du tseu ou le pàyis du tseû

 

6 - Les liaisons

nos an (se prononce nos z/an) nous avons

Comme dans le français, la liaison se fait en parlant entre pronom et verbe. Mais c'est loin d'être de même  avec le verbe et le complément :

y é un biau dzardinc'est un beau jardin (se prononce en français : c'est t/un) (si on garde l'orthographe française pour le verbe être, inévitablement les nouveaux patoisants feront la liaison entre verbe et complément, y est t/un biau dzardin …. ce qui n'existe pas dans la prononciation du patois).

ôl allo à la fouère il allait à la foire (se prononce sans liaison au contraire du français, ce qui oblige à supprimer la lettre t à la fin du verbe allo)

 

Les signes de ponctuation utilisées dans l'écriture sont évidemment variables selon la prononciation, c'est à dire d'une petite région à l'autre ou d'un village à l'autre. A chacun de s'adapter selon son parler.

 

5 Consonnes et syllabes

 

1 - Deux consonnes nouvelles (faut-il les appeler consonnes?) apparaissent dans le paysage linguistique : le ts et le dz. Elles n'existent pas dans la langue française. Elles remplacent le ch et les j, ge , gi

la vache blanche la vatse biantse

je mange dze mandze

Le ts et le dz ont beaucoup d'importance dans noton patois, en particulier dans la conjugaison (voir la suite)

2 - Les syllabes bl, cl, fl, gl, pl

le papier blanc le papi bian

la ville de Cluny la ville de Chieuni

le vent a soufflé le vent a souchyi

l'églantier l'àyanci

la planche la piantse

le lit le yé ( même le l en début de mot devient i ou y)

Pour se rappeler des 5 syllabes ainsi que du tse et du dze, une phrase mémoire n'est pas de trop :

Le vent avait tant soufflé que le clocher blanc de l'église était tombé sur la place du village

Le vent avo tant souchyi qu'le chiotsi bian de l'éyise avo tsé su la pièce du v'ladze

3- Entre consonne et voyelle, le y est un drôle d'animal, bien caractéristique de notre patois. Il est à la fois :

pronom : çà va aujourd'hui ? y va ti aujourd'hui ?

c'est demain que nous partons y é d'main qu'nos partan

complément : il n'y comprend rien ôl y comprend ran

remplace la lettre l dans les syllabes bl, cl, fl, pl quand elle est suivie d'un i et complètement pour la syllabe gl (voir paragraphe 2)

oublier eubyi

planche piantse ou pyintse (selon la prononciation locale)

églantier ayanci

Jean-Claude Jean-Glaude(français régional) Dzan-Yaude

 

 

 

6 Voyelles et suffixes

 

1 - Le suffixe al devient au

le cheval le tsevau

le maréchal-ferrant le marétsau

 

2 - Le suffixe eau devient iau ou éille

un seau d'eau un siau d'iau ou eune seuille d'éille (selon la région)

mon chapeau mon tsapiau

 

3 - Les suffixes eu, eur et euse deviennent ou et ouse

la queue du chat la quoue du tsa

le menteur le mentou

la menteuse la mentouse

 

4 - Les suffixes ier et ière deviennent i, ire ou ère

mon poirier mon pouéri

la barrière la barrire ou la barrère (selon la région)

 

5 - Les suffixes oir et oire deviennent ou, a, ère et ouère

le saloir le salou

il fait noir ce soir i fâ na su sâ

la vache noire la vatse nère

rien à boire ran à bouère

 

6 - Les suffixes en ien, ienne, ine deviennent in et eune

le chien le tsin

la chienne la tseune

je viens dze vin

Matourine Matoreune

 

 

 

 

7 Quelques règles

 

1 - L'article devant les prénons et les noms

Marie la Maria

Benoît le B'nât

Antoine le Touâne

La famille Dupont  les Dupont

 

2 - L'interrogation : le ti, très caractéristique de noton patois (comme le tse et le dze) bonjour, comment çà va ?  bondzo, y va ti?

vas-tu à la foire demain ? te va ti à la fouère demin ?

pourrons-nous venir ce soir ? nos porran ti v'ni su sâ ?

 

3 - La négation , avec toujours la disparition du ne

je n'ai pas mangé dz'é pas mandzi

ils n'ont pas vendu leurs cochons i an pas vendu leus cotsons

 

4 - Le redoublement du sujet, lui aussi bien caractéristique de notre patois

notre prunier a séché noton peurni, ôl a setsi

Jean a acheté un âne noir le Dzan, ôl a atseté eune borrique nére

 

5 - Le masculin-féminin : quasiman identique au français, sauf quelques mots

une vipére un v'pire

un serpent eune sarpent

une horloge un r'lodze

 

 

 

6 - Le singulier pluriel

Dans la langue française, le s est la marque du pluriel, mais avec de nombreuses exceptions : un chou, des choux.... un cheval, des chevaux....Mais sommes-nous obligés d'imiter les exceptions françaises ? Rien ne nous y oblige ! Il serait bon d'adopter la lettre s comme seule marque du pluriel. Un peu d'autonomie ne fait de mal à personne !

les poires les pouères

les choux les tsous

les chevaux les ts'vaus

les vieux les vious

les peureux les pourous

Ce n'est ni chambardement, ni cataclysme. Juste le moyen d'avoir une écriture simple et facile, indispensable à tous ceux et celles qui voudront bien se lancer dans la sauvegarde du patois. Mais tout le monde n'est pas d'accord avec cette proposition.

 

 

8 D'autres règles pour la conjugaison

 

1 - Le pronom neutre on est remplacé par le nos qui est employé à la fois comme 1ère personne du pluriel et comme 3ème personne du singulier

si nous voulons, nous pouvons si nos volan, nos pòyan

si on veut, on peut si nos vou, nos pou

 

2 - Tous les verbes du 1er groupe ayant leur dernière syllabe en ts, dz, s, ss, z, y, ill et ch, j se terminent en i aussi bien à l'infinitif qu'au participe passé.

il voulait marcher, il a marché ô volo martsi, ôl a martsi

il voulait manger, il a mangé ô volo mandzi, ôl a mandzi

tu pouvais le laisser, tu l'a laissé te pòyo le laissi, te l'a laissi

veux-tu oublier ? tu as oublié te vou ti eubyi ? t'a eubyi

il allait travailler, il a travaillé ôl allo travailli, ôl a travailli

 

3 - Les verbes du 1er groupe se terminent en i (martsi) et en é (tsanté) dans leur participe passé ; martsi ayant infinitif et participe passé avec la même terminaison, il paraît logique d'appliquer la même orthographe à l'infinitif et participe passé de tsanté

il avait chanté  ôl avo tsanté

il voulait chanter  ô volo tsanté

 

4 - Le participe passé est invariable

les photos que vous avez prises les photos que vos avi pri

les chansons ont été chantées les tsansons an été tsanté

 

5 - Le passé simple est inconnu dans noton patois. Il est remplacé par le plus-que-parfait.

ils travaillèrent jusqu'à la nuit i avin travailli tant qu'à la né

il parla tout l'après-midi ôl avo causé tot le tantôt

 

6 - La terminaison des 1ère et 3ème personnes du pluriel est identique dans tous les temps

nous mangeons, ils mangent nos mandzan, i mandzan (présent)

nous chantions, ils chantaient nos tsantin, i tsantin (imparfait)

nous dormirons, ils dormiront nos dreumeran, i dreumeran (futur)

nous marchions, ils marcheraient nos martserin, i martserin (conditionnel présent)

nous avons couru, ils ont couru nos an corri, i an corri (plus-que parfait)

que nous marchions, qu'ils marchent qu'nos martsin, qu'i martsin (subjonctif présent)

 

7 - Le participe passé du verbe être est en même tant celui du verbe aller

je suis allé au marché dz'é été u martsi

il est allé chercher son chien ôl a été qu'ri son tsin

elles sont allées au bourg i an été u borg

Remarque : le participe passé été (comme tous les participes passés) est invariable

 

8 - L'emploi fréquent du verbe aller pour remplacer le futur

ils partiront demain i van parti demain

nous viendront ce soir nos van v'ni su sâ

tu mangeras bientôt des prunes te va dachtôt mandzi des peurnes

 

9 - Le verbe auxiliaire avoir plus fréquent que l'auxiliaire être

ils sont montés au grenier    i an monté u greni

il est tombé par terre    ôl a tsé tant qu'à bas

il est mort ce matin    ôl a meûrri stu matin

 

9 Petites différences internes dans les patois

 

Avant d'aller plus loin dans la liste des pronoms, des adjectifs, des mots de liaison, des verbes, il serait bien de tordre le cou à cette idée qu'il existe des milliers de patois.

Tout le monde sait bien qu'il existe des différences de prononciation et même de mots entre cantons, communes, voire hameaux. Mais cela ne gêne en rien la compréhension entre patoisants et patoisantes sur le champ de foire ou pour les fêtes de villages. Il serait bon de récapituler toutes ces différences. Cela demande la participation des patoisants. Les quelques exemples qui suivent ne sont qu'un aperçu... A suivre....si l'intéret pour le patois grandit.....

 

                           haut maconnais             charolais                  brionnais        

ils disent                 i dian                          i djan                       i djan

le diable                 le diab-ye                   le djabe                   le djabe

une fricassée         eune frecassie          eune feurcachie     eune feurcachie

c'est pour moi      y é pre ma              y é peur ma          y é peur ma

 

On pourrait même séparer en plusieurs petites régions, toutes situées dans la zone de transition entre francoprovençal et langue d'oïl : charolais nord, charolais sud, clunisois, haut maconnais, brionnais est, brionnais ouest, haut beaujolais nord, roannais nord. Chacun pourrait dire les différences entre patois, en participant par l'apport de mots, d'expressions, de textes...

La suite de "J'apprends le patois", les paragraphes de 10 à 22,sont présentés en tableaux. Impossible en copier-coller. La solution est donc le fichier PDF qui reprendra tous les paragraphes de 1 à 22.

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