Avoir est à revoir
Les auxiliaires être et avoir sont essentiels en français comme en Tseu ;
on les retrouve un peu partout sous toutes les formes qu'ils sont susceptibles de revêtir. Leur écriture pose problème à bon nombre d'écoliers de langue française et les patoisants qui écrivent sont également confrontés à quelques sérieux problèmes de transcription. Le but du présent article est d'inciter tous les patoisants du Pàys du Tseu à s'interroger sur l'orthographe la plus raisonnable qu'il convient d'adopter pour que les jeunes générations puissent sans problème, lire, comprendre et prononcer correctement ces deux verbes fondamentaux. Nous commencerons par le verbe avoir, non pas parce que l'avoir l'emporte sur l'être mais parce que le verbe avoir est nécessaire pour conjuguer le verbe être. La conjugaison du verbe être fera l'objet d'un autre article.
Le verbe awoî
Awoî plutôt qu'awâ pour ne pas s'éloigner inutilement du verbe d'origine.
Awoî, avec un w pour marquer la prononciation sans utiliser le "ou" qui dénaturerait le mot. Bien entendu là où on dit avoi il faut l'écrire avoi.
Awoî, avec un ^ sur le i pour l'alourdir et l'allonger.
Awoî, sans le r final qui n'est pas prononcé, ce qui est la règle pour les consonnes finales en tseu.
Vous remarquerez dans le tableau qui suit :
- des ` sur quelques a : àyant, àyiz : ils ont pour but de forcer la prononciation du a, en français ayant se prononce ai-iant alors qu'en tseu il doit se prononcer a-iant, l'accent grave sur le a est une invitation à bien prononcer, en quelque sorte.
- des / séparant certains mots les uns des autres au lieu d'un espace. Cette barre est là pour rappeler qu'il convient de ne pas faire la liaison entre ces mots. Tout à fait inutile pour les patoisants de longue date, cette barre est indispensable à ceux qui n'ont pas beaucoup de pratique de la langue.
Dans tout le Pàys du Tseu le verbe avoir ne se conjugue pas exactement de la même façon, alors à quoi bon dresser un tableau qui ne sera pas retenu partout ? Tout simplement pour inviter les patoisants qui écrivent le Tseu à se pencher sérieusement sur le bien fondé de leur graphie, à admettre qu'awoî n'est pas d'origine sanscrite ou basque mais française et qu'il convient d'en tenir compte.
L'indicatif
Présent |
Passé composé |
dz'ai t'as ôl a, alle a nos ans * ou dz'ans** vos ez * i'ant * ans et ez sont la contraction d'avans et avez. ** dz' à la 1ère personne du pluriel est fréquent à tous les temps et à tous les modes. |
dz'ai éju* (ou ézu) t'as/éju ôl a éju, alle a éju nos ans/éju ou dz'ans** éju vos ez/éju i'ant/éju (la barre de fraction interdit la liaison) * éju est antérieur à "eu", forme française ** dz' à la 1ère personne du pluriel est fréquent à tous les temps et à tous les modes.
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Imparfait |
Plus-que-parfait |
dz'awos t'awos ôl awot nos awins vos awyiz ou vos awins* i'awint * l'identité de conjugaison à la 1ère et à la 2ème personne du pluriel est courante. |
dz'awos/éju t'awos/éju ôl awot/éju nos awins/éju vos awyiz ou vos awins* éju i'awint/éju * l'identité de conjugaison à la 1ère et à la 2ème personne du pluriel est courante. |
Passé simple |
Passé antérieur |
dz'eus t'eus ôl eut nos eûmes vos eûtes i'eurent Quasiment inusité à l'oral. |
dz'eus/éju t'eus/éju ôl eut/éju nos eûmes/éju vos eûtes/éju i'eurent/éju |
Futur simple |
Futur antérieur |
dz'arai t'aras ôl ara nos arans vos arez i'arant |
dz'arai éju t'aras/éju ôl ara éju nos arans/éju vos arez/éju i'arant/éju |
Le conditionnel d'un emploi très courant (passé 2ème forme excepté).
Présent |
Passé 1ère forme |
dz'aros t'aros ôl arot nos arins vos aryiz ou vos arins i'arint |
dz'aros/éju t'aros/éju ôl arot/éju nos arins/éju vos aryiz/éju ou vos arins/éju i'arint/éju |
Le subjonctif d'un emploi nettement moins courant mais pas inconnu hormis le plus-que-parfait
Présent |
Passé |
que dz'ave que t'aves qu'ôl ave qu'nos àyans qu'vos àyez qu'is àyant |
que dz'ave éju que t'aves/éju qu'ôl ave/éju qu'nos àyins/éju qu'vos àyiz/éju qu'is àyin/éju |
Imparfait (rare) |
Plus-que-parfait |
que dz'eusse que t'eusses qu'ôl eut qu'nos eussions qu'vos eussiez qu'i'eussent |
inusité |
L'infinitif, le participe et l'impératif
Infinitif présent |
Participe présent |
Impératif présent |
awoî |
àyant |
aie,àyons, àyiz |
Infinitif passé |
Participe passé |
Impératif passé |
awoî éju |
éju, éjue, àyant/éju |
aie éju, àyons/éju, àyiz/éju |
Comment dites-vous ? Dans votre zone du Tseu on ne conjugue pas le verbe avoir ainsi ? Mais voilà qui est fort intéressant. Vous êtes vivement invité(e) à mettre la conjugaison que vous connaissez en parallèle avec celle-ci qui n'a aucunement la prétention d'être la seule conjugaison acceptable. Il n'y a pas un patois mais des patois au Pàys du Tseu et c'est en rapprochant toutes nos différences que nous pourrons tracer les contours du parler Tseu et offrir aux jeunes générations un outil qui leur permettra de lire, de comprendre et de bien prononcer tous les textes dont l'écriture aura été "pesée".
Revenons sur la forme archaïque du participe passé "éju" qui se prononce et s'écrit ésu ou ézu ou encore évu au Pàys du Tseu ; Frantz Brunet, auteur d'un remarquable Dictionnaire du parler bourbonnais et des régions voisines, note à l'article "évu" :
La prononciation qui forme deux syllabes en séparant les deux voyelles (é-u), déjà attestée au moyen-âge, s'est maintenue jusqu'au début du 19e siècle en français et jusqu'à nos jours en dialecte. En 1640, Balzac* écrivait à Chapelain : "Dites-moi si vous approuvez la prononciation parisienne qui coupe en deux la syllabe eu, j'ai é-u, il a é-u...".
En conservant é-u, le parler bourbonnais a intercalé, pour éviter l'hiatus, une consonne qui est, soit le v soit le s. Au Pàys du Tseu c'est surtout le s qui l'emporte plus ou moins chuinté.
Il n'y a plus guère que les anciens qui utilisent ce beau participe passé qui ne demande qu'à reprendre du service.
*Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654)