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Le pays du Tseu

Les saints dans les noms de lieux

20 Février 2015 , Rédigé par Eric Condette Publié dans #Toponymie

Les saints dans les noms de lieux

L’étude des noms de lieux constitue un aspect tout à fait passionnant de la dialectologie. Les formes patoises des toponymes sont souvent plus conservatrices que celles des mots d’usage courant, qui ont naturellement tendance à se franciser au fil du temps. Le patois que l’on parlait encore au milieu du siècle passé était bien plus riche et authentique que celui d'aujourd’hui. Toutefois, les noms patois des communes, aussi bien que ceux des lieux-dits, semblent assez bien résister à l’influence du français.

Un point particulier réside dans la prononciation de « Saint » dans les noms de communes. Il apparaît clairement qu’il existe dans le département de Saône-et-Loire deux prononciations distinctes : « saint » /sẽ/ et « sant » /sã /.

Le latin SANCTUS donne normalement « saint » en français d’oïl. Plus au sud, c’est la forme «sant » qui domine.

Une zone de contact entre ces deux prononciations s'étend dans une grande partie du sud du département. Ainsi, à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau, se trouvent deux communes vouées au même saint : Saint- Bonnet-de-Joux et Saint-Bonnet-des-Bruyères (dans le département du Rhône, à la limite de la Saône-et-Loire.) Les patoisants, qui ne s’encombrent pas des attributs qui leur sont accolés pour les distinguer, ne confondent pourtant jamais ces localités en prononçant leurs noms patois : "Saint-Bonnet" (de Joux) et « Sant Bonne ». On remarquera au passage la chute de la voyelle finale de la forme patoise de Saint-Bonnet-des- Bruyères, caractéristique de l’aire dialectale de Matour, (une zone qui s'étend un peu au delà des limites de ce canton.)

Mais « Sant Bonne » n’est pas le seul exemple qui illustre ce phénomène. J’avais naguère déjà relevé « Sant Piarre » (pour Saint-Pierre-le-Vieux), « Sant Creutoul » (pour Saint-Christophe- la-Montagne, dans le Rhône), « Sant L’dzi » (Saint-Léger-sous-la-Bussière), et «Sant S’frin » (pour Saint-Symphorien-des-Bois). De son côté Alain Boussand, dans sa monographie sur Saint-Julien-de-Jonzy (ABDO Dijon 1983), avait de plus noté « Sant Dzeuyien » (pour Saint-Julien-de-Jonzy) et « Sant Creutole »( pour Saint-Christophe-en-Brionnais).

Dans leur ouvrage intitulé « Le langage populaire de Mâcon et de ses environs » (Mâcon 1926) Lex et Jacquelot ont établi la liste des noms patois donnés aux habitants de la plupart des communes de Saône-et-Loire. Ainsi pour la commune de Saint Point, ils ont ont indiqué que les habitants s’appelaient les « Sampoignards» (ce qui suggère une prononciation « Sant-Point » pour le nom du village.) Ils ont de même noté les « Sanmartenots » pour les habitants de Saint-Martin-Belle-Roche et encore les «Sanv’rounis» pour désigner ceux de Saint-Vérand.

La limite entre la prononciation du nord et celle du sud, qui est forcément un peu floue du fait que toutes les communes ne portent pas le nom d'un saint, s'étend d' est en ouest entre la Saône et la Loire.

Il faut toutefois reconnaître que les choses sont moins simples qu'il n'y parait à première vue et que la "frontière" entre le pays des "saints" et celui des "sants" n'est pas toujours très nette dans la mesure où, selon les patois, des évolutions phonétiques distinctes ont pu aboutir à un résultat identique. Dans sa thèse sur les patois de Saône-et-Loire, le linguiste Gérard Taverdet a identifié une petite zone isolée, au sud de Saint Gengoux-le-National, où "saint" se prononce également "sant" : Saint Ythaire se prononçant comme "Sant'Yâre" et Saint Huruge donnant "Sant'Reuge". Quant à Lex et Jacquelot, ils rapportent que les habitants de Saint-Martin-de-Salencey, toujours dans la même région, s'appellent les "Sanmartinois".

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L
Allez,allez!! Mieux vaut la santé que la sainteté...!
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O
Je confirme pour Sante Cile. En ce qui concerne la graphie, bien entendu il faut éviter d'aiguiller le lecteur sur des fausses pistes où San Antonio lui-même pourrait s'égarer, donc soyons fiers d'être français, bon sant !
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L
Que de saints! Que de saints! Pour Saint Léger sous la Bussière, mes grands parents, nés (vers 1880) et vécus dans cette commune, ont toujours dit &quot;San Dzi&quot;. Faut-il vraiment mettre un &quot;t&quot; à &quot;San&quot; alors qu'on voit partout San Rémo, San Francisco et bien d'autres? Bien sûr, il y a le féminin comme &quot;Sant(e) Cile&quot; (Sainte Cécile).<br /> Je suis d'accord avec toi pour dire qu'il faut s'en référer aux mots des lieux-dits pour le patois. Ils ont souvent peu évolués au cours des siècles Facile à comprendre qu'on ne change pas toutes les semaines le non de son lieu de travail quand est paysan! Certains mots datent de plusieurs millénaires et même peut-être depuis le début de l'agriculture.
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L
Je me suis posé la question de savoir si je devais mettre un &quot;t&quot;. Mais, après réflexion, je me suis dit qu'il y avait sûrement quelques saintes dans les noms de communes (au fait, as-tu bien entendu dire &quot;Sante Cile&quot;? Au quel cas ça préciserait encore un peu la limite nord de cette prononciation.) <br /> Je me suis aussi dit que nous n'étions pas en Espagne ni en Italie et que &quot;San&quot; aurait peut-être eu un air un peu trop exotique pour la Saône-et-Loire.