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Le pays du Tseu

Cousu de fil blanc, le cardzot n°62

20 Mai 2014 , Rédigé par Olivier Chambosse Publié dans #Ateliers

Cousu de fil blanc, le cardzot n°62

Quand on aime on ne compte pas ! Nous allons nous employer à démontrer que cela ne vaut pas pour le Tseu.

Nous l'aimons, notre Tseu, alors comptons ensemble (un trait de soulignement signale la liaison ou une consonne rajoutée, une barre oblique marque la non liaison) :

  1. Un tsin, eun_ûjeau, eune vatse, eune alogne.

  2. Deux tsins, deux/ûjeaux, mais deux_heures, doux trâs, doux quate.

  3. Trâs tsins, trâs/ûjeaux, mais trâs_heures.

  4. Quate tsins, quate ûjeaux, mais quatre heures.

  5. Cinq/tsins, cinq_ûjeaux.

  6. Six tsins, six/ûjeaux, mais six_heures.

  7. Sept : pas de particularité.

  8. Huit tsins, huit/ûjeaux, mais huit_heures.

  9. Neû tsins, neûv_ûjeaux, neûv_heures.

  10. Dix tsins, dix/ûjeaux, mais dix_heures.

     

N.b. Les traits de soulignement figurant ci-dessus ne sont là que pour la démonstration alors que la barre oblique est utilisée parfois dans l'écriture du tseu, notamment lorsque sans elle, la liaison serait immanquablement faite : Met-z-y dans/eune cope !

 

Et un peu plus loin dans l'énumération : septante, octante et nonante s'employaient parfois dans les années soixante à Sivignon où l'on écoutait Radio Sottens depuis 1931, année de l'installation de l'émetteur, et année de l'électrification du village, ceci expliquant peut-être celà.

Plus loin encore, cent s'emploie sans liaison : cent/hommes, deux cents/hommes, cent/heures.

 

Un peu d'astronomie maintenant :

 

Eune añnée d'treize leunes y'est eune añnée d'ren ! Une année de treize lunes, c'est une année de rien ! Joli dicton certes, mais quand on sait que ce n'est pas une rareté (cela se reproduit tous les 2,66 ans), on peut douter de la qualité prédictive du dicton, d'autant plus que l'on se garde bien de préciser s'il s'agit de pleines lunes ou de lunes nouvelles. Les années où il n'y a que 12 lunes nouvelles et 12 pleines lunes sont en fait deux fois plus rares que celles où il y 13 lunes, pleines ou nouvelles. Les cycles lunaires sont de 19 ans ; celui dans lequel nous sommes en 2014 a commencé en 1999 et s'achèvera en 2017 ; il comporte 7 années de 13 lunes pleines, 8 années de 13 lunes nouvelles et seulement 4 années où il y a 12 lunes pleines et 12 lunes nouvelles. Achevons de torde le cou aux idées reçues en précisant que la lune rousse n'a rien de maléfique et qu'elle est en fait une période correspondant à la lunaison qui suit la date de Pâques, c'est-à-dire en avril et qui s'achève fin avril ou début mai. Son appellation provient de la brûlure infligée aux jeunes pousses par les gelées qui se produisent la nuit ou au lever du jour ; le ciel nocturne dégagé, qui rend la lune visible, favorise la diffusion rapide de la chaleur emmagasinée par le sol, faisant chuter brutalement la température.

Un dernier rappel relatif à la lune, avant de se remettre au patois : la lune bleue (eh oui, la lune bleue), moins connue que sa copine rouquine, correspond à la présence de 2 pleines lunes dans le même mois, ce qui n'est pas très fréquent.

 

Revenons sur terre pour quelques particularités et autres bizarreries.

 

L'tsin heûle à la mô ! Le chien hurle à la mort ! Notez que le r de hurle et la terminaison en rt de mort disparaissent sous l'allongement de la voyelle (diphtonguée ou non) qui les précède.

 

S'engueurgni ou se rengueurgni. (du francique grinian, faire la moue) Se renfrogner, devenir malgracieux ou simplement somnolent. Ce verbe ne doit pas être confondu avec le verbe engueurni ou rengueurni, signifiant engrainer ou engrener ou encore amorcer.

 

Attention à l'emploi de li et de lu (lui, selon qu'il s'agit d'un sujet féminin ou masculin) doñne li d'iau signifie donne lui (à elle) de l'eau et non pas donne l'idiot.

Lui, en parlant d'un sujet masculin, se dit lu. On dira donc : T'es beurlu ! le ptchet Lu, y'est pas peur lu, y'est p'la Lulu !

 

Arrêtons-nous sur arrêter ; ce verbe se dit rêter ou râter. Ainsi, on dira d'une vache qui s'immobilise lorsqu'une autre simule un coït en la chevauchant : alle rête, y s'rot temps d'la mner u teuriau.

 

La pie est connue sous diverses appellations dont celle, qui semble couvrir une zone allant du Bourbonnais au Charolais, d'oyesse ; signalons ici que la variante oyasse est utilisée dans une partie du Brionnais alors que c'est la variante ouache qui est utilisée du côté de La Guiche et de Saint Martin de Salencey.

 

Ne pas confondre rgueugni et rgueurni. Est rgueugni ce qui est remis en place et qui était dégueugni (un membre par exemple), est rgueurni ce qui s'est ratatiné, racorni, desséché par l'action du feu (aliments) ou du temps (vieillard).

 

Petit retour sur l'emploi de la lettre k. Outre sa nécessité absolue pour écrire les mots comprenant un KI peu porté sur le Q : la kîgnèche (personne qui kîgne, qui couine), le k n'est finalement pas plus surprenant pour écrire le keuré (le cueuré = le curé) ou encore la keurde (la cueurde = la courge). Bien entendu on fera la part belle au Q toutes les fois que son emploi s'avérera étymologiquement souhaitable : quilli (glisser), un quillon (un bouchon de bois).

 

Etonnante prononciation locale : il est attesté qu'un étang non spécifié se prononce "é-tan" à Suin alors que lorsqu'il porte un nom il devient "é-tan-ge" : on dit à Suin l'Etange Noly. Cette étrangeté donnerait-elle du grain à moudre aux étymologistes soutenant qu'étang ne vient pas du latin stagnum (qui a donné stagner) mais du vieux français estanchier (étancher) ? Vous avez dit étange ? comme c'est bizarre !

Si vous êtes allés jusque là vous avez enfin l'explication de l'illustration de ce billet cousu de fil blanc.

 

 

 

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L
Fascinante promenade au pays des mots. Ce n'est bien sûr qu'un début; le débat continue . Ainsi, par exemple, je ne suis pas tellement emballé par l'utilisation du "k", qui dénature un peu à mon sens notre kulture romane: "Quîgnèche" me semble plus agréable à la lecture que "kîgnèche" (au fait, pourquoi un accent circonflexe sur le "i" ?)
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L
Dz'y vâs dzâ un ptiet meû çhé. Atsi bié p'tes ecspyicâçhons, l'Olvi.
O
Certes, ce K n'est ni roman ni romantique, mais la kîgnèche a vraiment une voix désagréable. Il ne faudra pas beaucoup me pousser pour que j'abandonne les keûches au profit des cueûches ou même des coeûches. L'avantage du K résidait surtout dans la simplification : pas d'états d'âme, inutile de trancher au k par k, pardon, au cas par cas.<br /> En ce qui concerne l'accent circonflexe sur le i de kîgnèche, la réponse est simple : ce mot se prononce kiiiignèche. A priori, j'utilise l'accent circonflexe, quelle que soit la voyelle qu'il chevauche, pour l'allonger ou même la diphtonguer (le bôs = le bo-ou).